Au Moyen-âge, le "droit de correction" fait partie des mœurs. L'Église émet une ordonnance au XVème siècle qui précise "quand et comment un homme pouvait effectivement battre sa femme". Loin de s'atténuer, la brutalité maritale s'affirme au grand jour dans les siècles suivants. Les procès en séparation en témoignent.

 

Les Précieuses, tournées en ridicule par Molière, s'attaquent déjà au problème en proposant contre la "plaie sociale" que représente le mariage à leurs yeux le partage de l'autorité entre époux ou, plus radical, le célibat et l'union libre. Le Code civil - le code Napoléon - renforce l'autorité maritale et excuse le meurtre de l'épouse par l'époux, en cas d'adultère.

Tous les milieux sont touchés par la violence conjugale. Parce qu'on ne peut l'assimiler à toute autre forme de brutalité, Associations et Ministères concernés proposent donc des réponses spécifiques.

 

Pour tenter de réduire les difficultés psychologiques et matérielles qu'entraîne cette situation, des structures d'accueil et d'information ont été mises en place. En 1978, la Ligue du Droit des Femmes ouvre le premier centre refuge à Clichy. Aujourd'hui de nombreux organismes privés et publics mettent à la disposition des femmes « victimes » de violences conjugales, un accueil, une écoute, un hébergement et un suivi social, voire psychothérapeutique. Depuis 1990, le Secrétariat aux Droits des Femmes met à la disposition du public un numéro de téléphone national. Aujourd'hui, le service du Droit des femmes a confié à la Fédération Nationale Solidarité Femmes l'animation d'un numéro téléphonique : violence conjugale info service 39 19). Des formations de professionnels (policiers, gendarmes, travailleurs sociaux etc...) sont organisées.

 

Aujourd'hui, la loi réprime les violences au sein du couple et de plus en plus les personnes osent en parler et porter plainte... Toutefois, sanctionnées comme tout coup ou blessure volontaire exercé contre autrui, ces violences n'étaient pas une circonstance aggravante jusqu'à la réforme du code pénal en juillet 1992.

 

Si les violences conjugales s’exercent depuis des siècles, l’ampleur du phénomène a été réellement révélée publiquement par l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France (Enveff) en 2000 (INED et INSEE).

 

Réalisée auprès d'un échantillon représentatif de 6 970 femmes âgées de 20 à 59 ans, cette enquête a, pour la première fois, mesuré et qualifié ces violences commises dans le cercle privé du couple, de la famille.

 

Selon cette étude, 1 femme sur 10 a subi des violences verbales, psychologiques, physiques ou sexuelles de la part de son conjoint ou ex-conjoint dans les douze mois qui ont précédé les entretiens. Toutes les composantes de notre société sont concernées, sans distinction d’âge, de niveau de vie, de niveau d’étude, de catégorie socioprofessionnelle, d’origine, de confession, de lieu de résidence … Enfin, si 2/3 des situations de violences ont eu lieu sous l’emprise de l’alcool, 1/3 d’entre elles se poursuivent lorsque la consommation d’alcool a cessé.

 

Depuis l’ENVEFF, quatre études sont venues compléter notre connaissance :

 

-          l’Enquête Évènements de vie et santé : menée en 2005-2006 par la DRESS et l’INSEE auprès de 10 000 personnes de 18 à 75 ans.

-          l'Enquête Contexte de la sexualité en France (CSF) réalisée par l’INSERM et l’INED en 2006 qui s’est penchée sur le lien entre sexualité et santé, et a consacré un volet de son étude sur les violences sexuelles,

-          L’Enquête Cadre de vie et sécurité, enquête annuelle conjointe de l’Observatoire national de la Délinquance (OND) et de l’INSEE,

-          L’étude nationale sur les morts violentes au sein du couple qui est le fruit d’un recensement annuel réalisé par la délégation d’aide aux victimes du Ministère de l’Intérieur.

 

Enfin, les conséquences économiques pour la société dans son ensemble des violences au sein du couple sont estimées à presque 2 500 000 € par an selon l’étude « Évaluation des répercussions économiques des violences conjugales en France ».

 

C’est au regard de ces différents apports que les politiques gouvernementales de lutte contre les violences conjugales se sont construites.

 

Ainsi, le parlement a voté la loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs. Elle introduit une aggravation des peines encourues "pour un crime ou un délit lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité" mais également "lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Dès lors que l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime". (Art. 132-80 du Code pénal). La loi modifie également d'autres articles du Code Pénal pour faire reconnaître les violences au sein de toutes les formes de conjugalité (concubinage, PACS et mariage).

 

Face à l’urgence, la priorité a été donnée à l’organisation de la prise en charge et de l’accompagnement des victimes. Permanences associatives, temps de formation et d’information, recensement des victimes hébergées en institution, les bases de la protection et de l’aide aux victimes étaient posées.

 

Dans un second temps, depuis 2005 afin de protéger les victimes, des actions tant législatives que socio-éducatives ont été menées pour responsabiliser et condamner les auteurs. Les outils créent correspondent à la gradation de la gravité des faits. La palette est composée de stages, de mesures thérapeutiques, de dispositifs d’éviction, et de sanctions pénales.  

 

Dans un troisième temps, depuis 2008, les enfants dit témoins sont reconnus comme victimes latérales des violences au sein du couple. A ce jour, les réponses apportées sont encore en cours de construction et le chantier reste entier.

 

Enfin, dans le même laps de temps, apparaît la nécessité de coordonner la prise en charge globale de la cellule familiale en situation de violences conjugales. L’approche par le couple devient une entrée supplémentaire de plus en plus utilisée pour accompagner ces situations.

Ainsi, l’évolution de la prévention et de la lutte contre les violences conjugales s’effectue vers un agrandissement du champ de vision des intervenants, passant de la personne victime au système conjugal puis familial.